LE PETIT "PERE LACHAISE" REMOIS

Eugène Marie Joseph
BOURGOUIN
1880-1924

Eugène Marie Joseph BOURGOUIN, artiste statuaire, Sociétaire de la Société Nationale des Beax-Arts, Membre de la Société des Artistes Décorateurs, né à Reims, le 12 février 1880 ; décédé à Paris, le 30 octobre 1924.

Écrire sur l’œuvre de Bourgouin c’est écrire le cantique de la foi, exalter l’espérance, absoudre le repentir. Les mots, les phrases les plus ciselées ne sauraient rendre avec autant d’intensité, l’expression des humanités de bronze, de marbre et de pierre due à son talent méditatif.

Après avoir passé ses « années d’apprentissage » à l’ombre de la cathédrale de Reims, jusqu’en 1900, où il put connaître et étudier à loisir les imageries d’antan, il entra en 1901 à l’École des Arts décoratifs et de là à l’École des Beax-Arts, où ses souvenirs des pierres gothiques furent pour lui toute une source d’inspiration. C’est vers cette époque que nous lui devons son calice avec patène sur laquelle s’inscrit un profil du Christ s’offrant en holocauste ; sa statuette de Jeanne d’Arc d’un caractère si archaïque et dont des épreuves ont été acquises par le Musée des Arts décoratifs de Paris, les Musées de Reims et d’Orléans. Plus tard, en 1906, il expose une porte de tabernacle, et le modèle de la couronne pour le Sacré-Cœur de Montmartre.

Et «Sa Patrie» si profondément religieuse : poème à la louange de la puissance divine, capable d’émouvoir les incroyants ! Quel effort d’observation dans ses nombreux bustes, toujours vrais et si artistiques, en particulier les derniers, ceux de deux rémois, le docteur Armand et le compositeur Lefèvre-Dérodé.

Son heureuse invention très ordonnée, le désignait dans toutes les recherches de l’art décoratif moderne. Signalons sa lampe électrique de bureau en collaboration avec Lalique, sa nombreuse suite de modèles en bronze ciselé destiné à l’ornementation d’un immeuble moderne acquis par le Musée des Arts Décoratifs de Paris, ses poignées de cannes, des chenets, le sabre d’un officier de marine, enfin sa coupe d’aviation en bronze ciselé et doré qui lui valurent la majorité des suffrages pour la Bourse de Voyage de l’État.

Pendant la grande guerre, Eugène Bourgouin s’est recueilli, néanmoins il n’oublia pas les prisonniers, ni les blessés, il taquina la glaise pour eux. Successivement les salons reçurent les études de ses nombreux monuments aux morts qu’il édifia dans toute la France. Pour n’en citer que quelques-uns, celui du collège Stanilas, à Paris, de la ville de Salins, un autre qui se trouve situé dans le Lot-et-Garonne, à Warmeriville, à Reims au cimetière du Sud, etc., etc., enfin celui de la Martinique que la mort interrompit si brusquement.

Sa sensibilité s’est extériorisée mieux que partout ailleurs dans son « Enfant à la Colombe » exposé au Musée du Luxembourg, qui est une véritable pièce dont le sentiment mélancolique et la technique de l’art sont intimement liés.

Je n’aurai garde d’oublier ici à Reims, dans l’église Saint-Benoît, une magistrale et éloquente statue en marbre blanc du patron de cette paroisse. Enfin sa dernière œuvre pour laquelle je fus son collaborateur, « La Vierge Immaculée de Reims », destinée à la chapelle des filles de la Charité, rue Féry, s’apparente tant par sa force d’expression aux merveilleuses statues de la Cathédrale de Reims et des œuvres maîtresses de la sculpture contemporaine par le côté si accueillant, si vivant !

Après les triomphes dans les concours, ses succès en France et à l’étranger, Bourgouin n’avait plus qu’à œuvrer car l’avenir semblait tout lui promettre, même les plus hautes considérations.

Pétries dans la douleur morale, complétées en un grand amour de la beauté, ces œuvres vivront enseignant aux générations futures qu’il est des croyances éternelles et que les véritables souffrances sont muettes et extatiques.

C’est une grande perte pour l’art champenois de voir disparaître Eugène Bourgouin. Il laisse dans le monde des arts et des lettres, le souvenir d’un artiste éminent, discret et d’une courtoisie exquise, ayant su acquérir l’amitié de ses confrères et la sympathie du grand public.

Il laisse de nombreux amis qui auront à cœur de garder sa mémoire. Veut-on me permettre d’ajouter qu’il laisse aussi des amis plus proches et plus désolés dont je m’honore d’être, et pour qui son nom restera synonyme de fidélité et de loyauté.

Adrien Sénéchal

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