Un jour, j’ai reçu une
communication téléphonique d’une association rémoise qui s’occupe
d’enfants handicapés, me demandant de faire une visite guidée du
cimetière, pour les enfants dont cette Association avait la charge.
Après avoir obtenu
l’accord de mes supérieurs, j’ai accepté d’assurer la visite
demandée.
Cela s’est passé une
après-midi. Il faisait beau et les enfants — qui étaient arrivés
vers 14 heures — semblaient heureux, malgré le handicap de chacun.
Il est important de
préciser ici que ces enfants avaient vu, avant de venir, plusieurs
photos do cimetière, donc de certaines sépultures.
Dès que je suis sorti
de mon bureau, l’un des enfants, un jeune garçon est venu vers moi
et me dit :
— Monsieur, j’aimerais
voir la sépulture de monsieur Poulain.
Je l’ai regardé en
souriant et lui ai dit :
— D’accord, mon garçon,
dès que nous y arriverons, je t’appellerai et te la montrerai.
Puis, la visite
commença… Elle allait durer environ une heure et demi.
Toute cette petite
“équipe” semblait intéressée par ce que je leur racontait. Je pense
même que le plus stressé c’était moi, car c’était la première fois
que j’avais à faire une visite guidée pour des personnes handicapés.
Le long du parcours, le
jeune garçon venait vers moi et me demandait :
— Quand est-ce que l’on
arrive à la sépulture de monsieur Poulain ?
Invariablement, je lui
répondais la même chose :
— Mon garçon, dès que
nous y arriverons, je t’appellerai et te la montrerai.
Enfin, presque en fin
de parcours, nous sommes arrivés sur la sépulture de César Poulain
(1822-1886), ma-nufacturier rémois et Maire de Reims de 1871 à 1872.
Je me suis posté sur le
bord de la sépulture et j’ai appelé le garçon :
— Viens ! Regarde,
c’est ici la sépulture de monsieur Poulain.
La réponse du jeune
garçon fut surréaliste…
Il s’est approché de
moi, m’a regardé avec un regard si penaud, que l’on pouvait y lire
toute sa déception, puis, il m’a demandé :
— Et le chocolat ? (le
chocolat poulain, bien entendu !).
Je suis resté comme
“planté” là,
sans savoir quoi répondre. Je suis donc resté “chocolat”, car je ne
m’at-tendais pas du tout à une telle question de sa part.
Quelque temps après la
responsable du foyer où vivaient tous ces enfants m’a invité à venir
dire quelques mots sur le cimetière, invitation que j’ai bien
entendu acceptée… Et, devinez par qui j’ai été reçu ? Par le jeune
garçon qui m’avait posé la question bien embarrassante sur le
“chocolat”. Il m’a salué et m’a remis un beau dessein fait
expressément pour moi.
J’ai été très touché,
mais cette fois-ci il n’a pas pu me poser la même question, car j’ai
apporté du chocolat pour tout le monde… mais du chocolat “Poulain”,
bien entendu.
Toute ma vie je
garderai dans mon cœur cette petite aventure qui a eu lieu au
Cimetière du Nord, il y a de cela déjà une quinzaine d’années.
Alphonse Rocha |